lundi 21 mars 2016

4/ Troisième Chapitre - Ma vie d'adulte - Mes premières aventures

Troisième Chapitre
 
MA VIE D'ADULTEMES PREMIÈRES AVENTURES
 
 
 
 
(A partir de maintenant je n'utiliserai a certaines occasions, que les initiales de certains noms, afin de protéger la vie privée)
 
Nous voici donc installés au Square Gutenberg. Nous sommes en 1960. J'avoue que je ne m'y plaisais pas beaucoup. L'appartement était situé dans une vieille maison avec de très hauts plafonds. La cuisine et la "salle de bains" étaient situés dans le sous-sol. Aucun confort. Les chambres étaient à l'entre-sol, au dessus du magasin...
 
Le quartier était très populeux, bruyant, beaucoup de commerces de toutes sortes. Le seul avantage : Le centre-ville n'était pas loin. Par contre le Patro, Ste Suzanne, etc. c'était le "bout du monde" !
 
Mes journées consistaient a aller au boulot chez Priba à Jette et à aider maman au magasin. A cette époque j'écoutais beaucoup la radio. (Nous n'avions pas encore la TV.) Ma station préférée était : Radio Luxemburg, the Station of the Stars. C'était une station de langue Anglaise, sur les "OM" (Ondes Moyennes) et qui était basée à Londres. La réception n'était pas très bonne, il y avait beaucoup de "fading" ... Mais cette station diffusait tout ce qu'il y avait de nouveau en musique "Pop":  Cliff Richard et les Shadows, les Rolling Stones, les Beatles, etc.  Les radios sur le continent n'étaient pas encore dans le coup. Bien sur, les "radios pirates" commencaient à "fleurir" un peu partout : Radio Noordzee, Radio Caroline, etc...
 
Le commerce marchait bien, et papa gagnait aussi bien sa vie, comme étalagiste. Il s'était même offert une petite auto : une VW Coccinelle, noire. Qu'est ce qu'il en était fier, le paternel !!!  Lorsqu'il avait quelques instants de liberté, il bichonnait "amoureusement" l'engin.  Elle brillait de tous ces éclats !  Il faut dire qu'il n'y avait pas encore autant de voitures que maintenant. Conduire était encore un véritable plaisir.
 
Lorsque le temps des vacances arriva, nous partîmes pour Nice, sur la Côte d'Azur. Ce fut le premier long voyage que je fis en compagnie de maman, papa et Nadine. Maman était assise devant, à côté de papa, qui conduisait, bien sur ! Nadine et moi étions assis sur la banquette arrière. Je n'aimais pas beaucoup cela, car je devenais toujours malade, des "nausées" ... Il paraît que c'était courant dans les VW de l'époque, le "Mal du Voyage", causé par l'électricité "statique".
 
Nous avions loué un appartement garni, donnant sur le "Jardin Albert 1er"  .. Le soir je sortais seul, me promener dans ce "Jardin" ...
 
C'est là que j'allais rencontrer mon premier "Amour"
 
Le deuxième soir de mon arrivée à Nice, je me promenais, le soir commençait à tomber. Je me suis installé sur un banc. Il y avait pas mal de monde : Cela "draguait" ferme. Après un moment un jeune homme s'était approché de moi et il me demanda si la place à côté de moi était libre. (Ah, qu'il était beau le "bougre", tout de blanc vêtu) Je lui répondis par l'affirmative et qu'il pouvait s'assoir si le cœur lui en disait. On entama une conversation, des banalités, comme de coutume dans de telles circonstances.  J'appris qu'il s'appelait Henri, et qu'il habitait a "Super Antibes", pas très loin de Nice.  Il m'apprit qu'il venait au jardin tous les soirs. Il se déplaçait en "Mobylette", moyen de transport très à la mode chez les jeunes à l'époque. Nous avions parlé de chose banales ... Après un temps nous décidâmes d'aller nous promener du côté du port. Nous n'avions pas encore abordé le thème qui nous intéressait autant l'un que l'autre, le sujet "Gay"
 
 
On parlait, tout en marchant. C'est comme ça que j'appris que H.... était étudiant en Médecine à Montpellier. Chemin faisant nous étions arrivés sur les hauteurs, derrière le Port. Nous avions une vue superbe sur le Port et la "Promenade des Anglais" et la Baie des Anges. Il faisait chaud et l'air était embaumé par le parfum des fleurs. Nous étions seuls. J'ai regardé H.... furtivement, et je me suis dit: Qu'il est beau ce gars. Tout bronzé par le soleil méditerranéen, dans ses vêtements blancs il avait une allure folle, sans jeu de mot. Je pris mon courage en mains, et le cœur battant la chamade, j'osai toucher sa main en le regardant. Sa réaction me prit de court et me surprit. Il s'était littéralement jeté dans mes bras et il m'a embrassé passionnément. J'étais étourdi, ébloui, j'étais aux anges ..., face à la Baie des Anges !
 
 

 
 
H.... m'apprit plus tard, qu'il s'était demandé quand j'allais me décider de faire le premier pas. Je n'oublierai jamais ce premier baiser. Je n'avais jamais encore été embrassé de cette façon. Dieu, qu'il sentait bon, ce parfum suave et indescriptible d'un corps qui avait été exposé au soleil toute la journée.
 
 
Nous avions repris notre chemin vers le bord de mer, au bas de la falaise. Après avoir marché pendant un quart d'heure environ, nous étions arrivé près d'un banc, qui par bonheur était inoccupé, et nous nous sommes installés. Nous nous sommes encore embrassés passionnément. C'est sur ce banc que nous eûmes nos premiers contacts intimes. On devrait y apposer une stèle :
 
"Sur ce banc, Guy à connu pour la première fois les affres de l'amour". 
 
Nous nous sommes revus tous les jours et tous les soirs. J'avais  présenté H... à maman et papa, comme étant un ami, sans plus. De toutes façon ils n'avaient aucune raison de soupçonner quoi que ce soit : ils ne savaient pas encore que leur fils était "comme ça", comme on disait a l'époque. H.... nous accompagnait quelque fois en excursion, mais je préférais rester à Nice, seul avec lui, car je ne me voyais pas l'embrasser passionnément sur la banquette arrière de la "coccinelle".
 
 
Tout se passait bien, dans ce qui était pour moi le meilleur des mondes. Nous étions heureux et on ne se quittait pas d'une semelle. Le soir, quand il était l'heure de rentrer, c'était des "adieux" comme si on n'allait plus se revoir ! Les 3 semaines de vacances touchaient bientôt à leur fin. La veille de notre retour vers Bruxelles, il avait fallu faire nos adieux. Ce fut très pénible, il y eût des larmes de part et d'autre, des promesses de s'écrire et de se revoir aux prochaines vacances, et tout, et tout ! Pour moi, H.... était le "Grand" amour, l'unique, l'amour de ma vie. La séparation ne serait que temporaire, pensait-on.
 

 
Me voici de retour à Bruxelles et au "train-train" habituel de la vie. De temps à autre je recevais une lettre ou un Carte postale de H...., mais il était très pris par ses études.
Une année s'écoula. Nadine avait 12 ans, et elle allait faire sa Communion Solennelle à Ste Suzanne, puisqu'elle allait à l'école des Dominicaines, dans cette paroisse. Cela fut une belle fête. Il y avait beaucoup de monde à la maison. On avait fait un bon repas. Nadine était belle comme une "Princesse", dans sa robe blanche. Un "ange" comme avait dit la Mère Supérieure de l'Ecole, la "Mère Albert".  Cela me fit penser à la Baie des Anges à moi ...
 

 
En 1961, je n'avais pas accompagné les parents pour les vacances. Parce que le propriétaire du magasin n'avait pas pu trouver de remplacement pour maman, c'était à moi de m'occuper du magasin pendant l'absence des parents.
 
 
C'est alors que s'était produite la "Grande explosion". Jusqu'à présent mon expérience du monde "Gay" s'était limité a la période du "Bon Marché", le "Sana", le copain d'Olloy et nos expéditions dans les bois et bien entendu "H"..... Ceci allait rapidement changer. Il y avait un couple de "Gays" qui habitaient au 2e étage de notre maison. Un jour le plus jeune d'entre eux, un Allemand, était entré dans le magasin pour y acheter des cigarettes. Nous avions parlé un peu. Bien entendu le sujet "Gay" fut abordé. Il me demanda si j'avais un petit ami régulier, si je sortais dans les bars, si je fréquentais les cinémas, dits "chauds", etc. Là, j'ouvris des yeux comme des soucoupes. Jamais je n'avais entendu parler des ces endroits. Il faut croire que j'étais vraiment très naïf à l'époque. Tout ce que je connaissais, c'étaient les endroits de rencontre en plein air, les endroits de drague comme les parcs.... Il me demanda si cela me plairait de les accompagner, afin de connaître les bars, etc. J'acceptai, car j'étais tellement curieux de connaître tout cela. Après l'heure de fermeture du magasin, le vendredi soir, ils m'emmenèrent dans un bar, rue d'Anderlecht, "Chez Simone"....

 
 
"En voiture Simone !" Ce bar, qui ressemblait plus à un café de quartier, était plein à craquer, rien que des hommes, jeunes et moins jeunes. On y buvait, fumait et dansait sur de la musique diffusée par un "Juke-Box". Et au milieu de tout ce petit monde, trônait "Simone", la patronne, surveillant les danseurs de près. Il ne fallait surtout pas qu'il y ait des mains qui s'égarent un peu de trop : elle ne voulait pas avoir d'ennuis avec la police des mœurs. Elle était un peu la "Mère Poule" pour tout ce beau monde, car par la suite j'appris que, lorsque quelqu'un avait un chagrin,  un ennui ou un problème quelconque, c'était a elle qu'on s'adressait.

 
 
Nouvelle tête parmi cette foule, il ne fallut pas bien longtemps, pour qu'on m'offrit a boire et qu'on m'invita à danser. Moi, qui n'avais jamais dansé de ma vie, je tombai d'étonnement en étonnement. Il y avait un type qui m'avait invité a danser de façon répétée et qui ne me plaisait pas du tout. Mais, étant poli et bien élevé, j'acceptais à contre cœur. Il avait une façon obscène de se frotter contre moi qui me déplut souverainement. Sans doute voulait-il me faire sentir l'appel de "l'amour".  De la pelle, je sentis surtout le manche !  Pour finir il m'invita à aller terminer la soirée chez lui, mais là j'avais refusé carrément. Il m'à laissé tranquille par la suite. Ce soir-là, j'étais rentré à la maison avec cette impression qu'en poussant la porte de Simone, j'avais ouvert celle de mon univers !

 
 
Bien entendu j'y suis retourné maintes fois et j'y eus quelques aventures sans lendemain. Tout ce que je voulais c'était m'amuser, rattraper le temps perdu, mais loin de moi l'idée de m'amouracher de qui que ce soit. Et puis il y avait toujours H...., dont j'étais toujours amoureux fou. Les semaines passèrent très vite et le moment arriva où mes parents rentrèrent. Ils trouvèrent un fils qui avait perdu tout ce qu'il lui restait d'innocence. Mais ça, ils ne s'en doutaient pas, bien entendu.
 
 
Quelque temps après, "Sogesma" fit faillite et nous étions forcés à déménager de nouveau. Cette fois nous partîmes pour Uccle, rue Xavier de Bue. Un appartement agréable au deuxième étage. Ma chambre était une belle et grande chambre mansardée sous les combles.
 
En septembre je reçus un appel téléphonique à mon travail. C'était H.... qui avait débarqué à Bruxelles pour venir me voir. C'était le jour de mon anniversaire, je venais d'avoir 24 ans. Quel cadeau d'anniversaire ! Je m'étais arrangé pour qu'il puisse loger quelques jours chez un ami, Albert, qui possédait un "pied-à-terre", rue Royale Ste . Marie. Ensuite H. était venu loger chez nous. Il resta plusieurs jours chez nous, et il dormait avec moi sous les toits. J'y avais un lit pour deux personnes et maman ne fit aucune objection, ne sachant toujours pas que son fils était "Gay" ... Inutile de cacher que nous en avions "profité" un Max !!! Pas besoin de dessin. Ce furent des jours (nuits) merveilleux. Je faisais visiter Bruxelles à H...., bref nous étions aux anges.
 
Il fallait cependant que je travaille, et un grande campagne publicitaire était projeté chez Priba. Il fallait que je décore le magasin en une nuit, afin que tout soit prêt à l'ouverture le lendemain matin. Problème, je ne voulais pas laisser H. tout seul. Qu'a cela ne tienne, H. m'avait offert de venir me donner un coup de main. J'en avais parlé au Gérant, Mr. Close, qui était d'accord que H. vienne m'aider. Il avait d'ailleurs offert une rémunération à H. ... Nous avions travaillé toute la nuit, ensemble, et tout fut fin prêt à l'ouverture du magasin.  Je pense que sans l'aide de H. je ne serais probablement pas parvenu à tout terminer à temps. Aussi je lui en étais très reconnaissant.
 
 Mais le jour vint, où il fallut à nouveau faire nos adieux. H...., devait s'en retourner aux études. Entre temps le futur médecin, avait changé le choix de ses études et avait opté pour les "Sciences Politiques" et allait poursuivre ses études à Grenoble.
 

 
Peu de temps après, j'eus un "choc" terrible: Je reçus une lettre de "rupture" de H...., m'annonçant froidement, que comme il avait obtenu ce qu'il voulait, c.à.d.. avoir couché et avoir fait "l'amour" avec moi, il fallait qu'il aille nourrir son tableau de chasse ailleurs. Il me déclara paisiblement que je n'étais qu'une "amourette de vacances" pour lui !  Cette lettre je l'avais brûlé quelque jours après, jurant que je ne voulais plus rien avoir a faire avec H. ... Imaginez ma détresse ... Je le revis par hasard quelques années plus tard, lors de son passage par Bruxelles. Autant dire qu'il y avait comme un froid "genre Sibérien". Je suppose que c'était là une réaction compréhensible ... Maintenant j'y repense avec tendresse, nous avions quand même passé des moments heureux ensemble. Et puis il était encore très jeune, il voulait tout savoir de la vie et gagner de l'expérience de la vie, ce qui est bien compréhensible quand on est jeune ...  Et puis, sans cette rupture pénible, je n'aurai probablement jamais rencontré celui qui allait devenir mon fidèle compagnon pour la vie .

 
 
Après cette épisode, je fis une forte "dépression". C'est alors que j'avouai mon homosexualité à mes parents. Ce "coming-out" fit l'effet d'une bombe. D'abord ils refusèrent de se rendre à l'évidence. Puis il y eût des mots désagréables de part et d'autre. Ils m'envoyèrent voir des "sexologues", et d'autres médecins spécialistes. Peine perdue, bien entendu. C'était tout bonnement de l'argent jeté. Puis les reproches commencèrent a tomber, on me traitait même de débauché, et d'autre noms d'oiseaux du même registre.
 

 
Malgré cela la vie continua et le travail à Priba ne manquait pas. J'étais très apprécié par mes "supérieurs" ainsi que par mes collègues. Jusqu'au jour où le Gérant démissionna, afin d'entamer une nouvelle carrière. Il fut remplacé par un "vieux" bonze avec des idées très rétrogrades. Alors que, avant,  j'avais "carte blanche" pour tout ce qui concernait la décoration du Supermarché, lui au contraire, voulait que je suive ses idées et ses instructions à la lettre. Cela ne me plaisait pas du tout. Sa façon de travailler heurtait le personnel, et plusieurs collègues démissionnèrent. Moi, je n'allais pas tarder à suivre leur exemple !

 
 
Sans rien dire à personne, j'avais cherché un emploi auprès de notre Compagnie d'aviation Nationale: La "SABENA". J'avais passé les examens et la visite médicale et j'attendais une réponse de leur part, qui, j'espérais serait favorable. Puis un jour, après avoir passé une journée exécrable au boulot, j'étais rentré à la maison, ou maman et papa m'attendaient dans la cuisine. Sur la cheminée trônait un belle enveloppe blanche, frappée du sigle de la "SABENA" et qui m'était adressée. Je l'ouvris fébrilement :  Oh, joie !  C'était la confirmation que j'avais réussi les examens et qu'on m'offrait un emploi en qualité d'Agent de Trafic à l'Aéroport, pour une période d'essai de trois mois. Ensuite si j'avais donné satisfaction, le job serait "permanent". Je devais me présenter a "l'Aéroport National" le mois suivant.

 
 
Imaginez ma joie, j'allais enfin pouvoir envoyer mon "déplaisant" patron se promener sur les "roses". Je m'en souviendrai toujours, que maman et papa m'avaient appelé un "cachottier", parce que j'avais tout mis en route en secret. C'était la première fois que j'avais pris une décision de cette envergure, sans en avoir soufflé mot à qui que ce soit.

 
 
Je fis donc mes adieux à Priba, non sans avoir écrit une lettre à la "Grande Direction", détaillant le climat insupportable que le "gérant" avait réussi à créer parmi le personnel. Par la suite, j'avais appris que suite à ma lettre il y avait eu une enquête et que le gérant avait été déplacé dans une toute petite succursale à Uccle.
 
 

 
Après les trois mois à l'essai à la "SABENA", je fus engagé avec un contrat à durée indéterminée. J'eus le droit de porter l'uniforme, qui était vraiment très seyant.

 
 
Par contre, l'atmosphère à la maison ne s'était malgré cela pas beaucoup amélioré: On continuait à me faire des reproches au sujet de mon orientation sexuelle.  
Oh, je ne leur en voulais pas, bien sur, c'était normal comme réaction, après tout ! Mais c'est alors que je pris une grande décision !

 
 
Pendant que ma famille était en vacances en Espagne, je décidais de quitter le toit familial. Le surlendemain de leur départ, je fis mes valises et je partis. C'était peut-être une décision de "lâche", mais je ne pense pas que j'aurais été capable de le faire, si mes parents avaient été présents !
 
 
J'avais emporté les quelques biens dont je ne voulais absolument pas me séparer. J'avais écris une lettre expliquant tout et que j'avais laissé sur la table de la cuisine, bien en vue. Ensuite j'avais tiré et verrouillé la porte d'entrée en laissant les clés dans la boîte aux lettres.

 
 
Je ne pense pas que je me suis retourné une seule fois, un peu comme dans la chanson de Michel Sardou :
Mes chers parents, je vous aime, mais je pars, (...)
Je ne m'enfuis pas, je vole ...

 
 
C'était en 1964.
 

 
Un nouveau chapitre allait s'ouvrir.
Un chapitre qui allait marquer le restant de ma vie !

 

 
 


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